Fait Tarzan
et Vive la France
L’errance sur Internet aboutit souvent à de drôle de choses.
A croire parfois que l’hypertexte est la pire des saloperies que l’on ait jamais inventé. Avais-je vraiment besoin de tomber là-dessus ? Trop tard, le mal est fait, plus moyen de faire marche arrière. Il faut que je vous raconte : tout commença par la découverte du Netlabel «Super Moyen Les Disques», qui héberge l’étonnant et non moins excellent Monsieur Tympan, sorte d’Alan Lomax du 21e siècle, bienveillant candide micro en main perdu au sein d’une production d’une émission de Strip-tease. Ce dernier vient de sortir un nouveau volume de ses «Vieilleries sonores», compilant une grosse dizaine d’extraits d’interviews et de bizarreries très rigolotes.
Innocent comme je suis, je veux en savoir plus et vais à la pêche aux informations sur le site du label. Grossière erreur ! Appâtant le chaland avec une publicité aguicheuse, un dénommé «Misiaczek» (???) propose son nouveau tube, une soi-disant «chanson de l’été 2011». Mieux, un envoi sur un vrai support physique touchable avec ses vrais doigts est possible ! Génial ! Un truc de plus qui prendra la poussière sur une étagère.
Quelques jours plus tard, ce n’est pas un disque, mais quatre que je trouve dans ma boîte aux lettres, dans une enveloppe bulle débordant de goodies et autre colifichets typique du marketing agressif. Super packaging pour du fait main, vraiment. Pochette classieuse à défaut de classique, bandeau illustré agrafé à la main, picture CD-R fait avec amour, logo Creative Commons pour la pose alterno, ça pose direct le bonhomme. On rigole certes, mais on rigole avec un certain respect du travail bien fait. Outre le disque de Monsieur Tympan évoqué plus tôt, trois productions du sieur Misiaczek : son tube de l’été «Hey Bomberos», son dernier disque, le bien nommé «Podrzut nowoczesny i wspolczesny» et puis «Fait Tarzan et vive la France».
Si quelqu’un y voit une certaine continuité artistique, je crois qu’il cherche des rédacteurs chez Technikart. Passons. Comment appréhender un tel programme ? Ce fut en voiture, lors de mes champêtres ballades. Couvrir le bruit de la route, une bonne fausse raison pour monter le volume. Et puis là, on y croit vraiment, à cette voix nasillarde sous hélium, à ces beat discoïdes d’un autre temps, à ce canevas sonore qui fait froid dans le dos.
C’est carte blanche à un schizophrène sur Radio Nostalgie. On adore ou on déteste, d’habitude; Misiaczek ouvre une troisième voie: l’écoute perplexe, entre honte et respect, rire et fascination. Difficile de décrire ce que l’on entend, peut être une rencontre improbable entre Jean-Patrick Capdevielle et les Sexy Sushi. Entre le grandiloquent et le minimaliste. A mi-chemin entre Wagner et Michel Farinet. Un morceau comme «Banane mécanique» est en ce sens assez caractéristique: long monologue poilant ne menant nulle part, aussi hilarant que captivant, risible que bien interprété.
Misiaczek, je n’en suis pas sûr, mais ça a l’air d’être ça, un artiste inutile donc capable de tout, souvent maladroit, toujours passionnant. L’un des nombreux dommages collatéral du "do it bien" ou "do it mal", mais "do it yourself", si t’es un homme.